Salle

La rumeur s'emplifiait comme une houle et des bras se tendaient marchandant déjà vers l'esclave.

Ainsi le sauvage plaisait.
Tant mieux.
Il allait en demander un bon prix.
Il allait les saigner à blanc tous ces gens avides.

"Citoyens un peu de calme, il est vrai que cette marchandise est exceptionnelle. Et celui qui arrivera à le dompter aura là un esclave tres robuste et dur à la tache. Et peut etre plus, qui sait !"

D'un gestre brutal, il denoua la tunique de l'homme, le mettant à nu.
Tous pouvaient à present admirer son corps musclé et le marchand perçu des murmures admiratifs et des frissons.

"Pour cet homme, vigoureux à la beauté que personne ne peut nier, je vous demande de faire un effort !"

Son regard chercha celui des acheteurs les plus interessés.

"Pour cet homme là je demande je demande une couronne d'olivier en or, afin de l'offrir à Nérée notre Protecteur !!"

Atreides fut poussé vers sa nouvelle maîtresse. Son visage exprimait tout le dédain de la Terre, alors qu'il lui cracha son mépris au visage.

« Si tu crois pouvoir me dompter, tu te trompes, femme. Toi, ni personne, n'y arrivera jamais. »

Se tournant à demi, il lança un dernier regard à Miclès. Il avait étrangement peur pour elle. Peur qu'elle tombe entre les mains de quelqu'un de malfaisant qui lui ferait encore plus de torts qu'on ne lui en avait déjà causés.

Le marchand n'en croyait pas ses yeux.
Deux esclaves vendus
Deux femmes acheteuses.
Il n'avait encore jamais vu cela.

Découragé.
Dégoutté de ce que devenait la societé grecque.
Les femmes allaient prendre le pouvoir.
Des amazones voilà, le monde allait tomber aux mains d'amazones.
Il frissonna.
D'un mouvement brusque il tourna le dos à la foule et se dirigea vers les esclaves restant sans plus se preoccuper de l'athenien ni de sa nouvelle maitresse.

Revenu devant la salle, il poussa devant lui les deux femmes d'un geste qui se voulait gracieux.

D'un air complice, il s'adressa au acheteurs du premier rang.

"Citoyens regardez ce que je vous offre à present ! Car au prix que je demande c'est vraiment un cadeau que je vais vous faire. Ces deux femmes sont vendues ensemble parce qu'elles sont complementaires."

Il poussa un peu en avant Calanda la presentant seule.

"Celle ci, en dehors de sa grande beauté est une intendante de qualité. Elle peut s'occuper de votre maisonnée comme personne ne le fera. Elle est tres douce avec les enfants egalement et vous ne trouverez personne de mieux pour les taches ménageres."

Il attira alors Miclès à lui.

"Quant à celle ci, elle est encore tres jeune et pure. Et chacun sait le tresor qu'est une vierge pour un homme de goût."

Anthéa leva un sourcil à la réaction d'Atreides. Un rebel, elle allait bien s'entendre avec lui. Encore fallait-il qu'il ne se trompe pas sur la personne.

"Calme-toi tu veux ? Je ne suis pas ta maîtresse mais une esclave comme toi." répondit-elle d'un ton ferme pour le calmer.

Elle lui prit la main et le tira un peu à l'écart.

"Tu n'es pas tombé dans une mauvaise maison, le maître fait un peu ce que je décide et tu auras des libertés."

Elle l'aida à remettre son vêtement que le marchand lui avait retiré.

"On va aller à l'agora t'acheter des vêtements plus dignes, mais avant, je dois parler à la prétresse."

Elle se mit dans un coin de la salle, attendant que la prétresse ait fini de récupérer son esclave.

Atreides resta interdit quand la femme lui apprit qu'elle était elle aussi une esclave. Pensait-elle vraiment que cela allait réussir à l'amadouer? Certainement pas. Méfiant, incontrolable, il le resterait, qu'elle ne se fasse pas d'idées dès le départ.

« Une traîtresse, siffla-t-il, qui vient assister à l'humiliation de ses pairs? Ce n'est que plus méprisable. Est-ce que tu t'es bien repue du spectacle? Ça t'a fait du bien que de voir d'autres souffrir comme toi? »

Le jeune homme se laissa entraîner plus loin. Il commençait à rattacher sa tunique lorsqu'il sentit ses doigts se mêler aux siens. Il frissonna légèrement en réalisant qu'il y avait longtemps qu'une femme ne l'avait touché. Malgré le fait qu'il ne s'adonne que rarement à ce genre de pratiques (son ambition était sa première maîtresse), son jeune corps ne pouvait référéner ses désirs. Une fois habillé, il la suivit jusqu'à un coin de la salle. Un peu de calme lui ferait du bien.

Voyant que l'assistance semblait alléchée par sa présentation, le marchand sourit plus largement.

Il fit un peu trainer la chose, expliquant combien il lui etait préjudiciable de vendre les deux femmes ensembles alors que separement il pourrait en tirer un meilleur prix.
Il se lamenta un peu sur le fait que pressé par le temps il devait terminer la vente rapidement.
Puis, un nouveau sourire sur les levres il dévetit les deux femmes comme le voulait l'usage, afin que chacun puisse juger de la qualité de la marchandise.

Il les fit tourner un peu sur elles memes, leur fit faire quelques pas sur l'estrade.
Le regard chargé de colére de la petite esclave lui était indifferent.

Enfin il s'immobilisa et annonça l'enchere.

"Pour ces deux femmes exceptionnelles de part la valeur que l'une confere à l'autre, je demande une paire d'yeux en obsidienne, quartz, fritte, marbre et bronze, afin d'en faire don à la nouvelle statue que la Cité érige à Nérée pour avoir protégé Kalymnos de la destruction et.."

il laissa passer un instant.

".. Et un pendentif d'or en forme de visage de Gorgone"

Anthéa plissa les paupières à la réflexion d'Atreides. Elle lui montra alors le sceau de Nicias montrant l'emblème de Poséidon.

"Tu ne me crois pas ? Voilà le sceau du maître, il t'en donnera un aussi. Crois-tu vraiment que cela m'a plus de venir ici ? Crois-tu que j'ai eu le choix ? Me mettre à la place de tous ces... acheteurs qui nous dévore de leurs yeux pervers ? Je te croyais plus intelligent mais visiblement ce n'était qu'une apparence."

Elle croisa les bras et détourna le regard. Il était encore moins commode qu'elle, ça promettait d'être animé dans la villa de Nicias.

Lysias regardait l'agitation dans la foule. Tout cela était vraiment idiot. Pas question qu'il achète aussi cher deux esclaves dont l'une lui serait parfaitement inutile.

Pas question. Il ne...

Soudain, une vision d'horreur : sa maison, assez sale, le linge, non rangé, le jardin, à l'abandon...
Affreux. C'était vrai, il ne pouvait pas se passer d'un esclave. Même si ça devait être une...

Alors qu'un gros homme semblait prêt à lever la main, Lysias se réveilla.

"Tiens, marchand, le voilà ton prix !"



ça lui faisait mal au coeur quand même...

"Marchand, si elles ne tiennent pas une semaine, tu me rembourseras !"

Atreides la dévisagea d'un air incrédule. Croyait-elle pouvoir l'acheter avec son sceau ridicule? La liberté? Il l'avait perdue depuis longtemps. Ce n'était pas son sceau qui la lui rendrait. Le faire réagir en piquant son orgueuil? Le prenait-elle pour un imbécile ou était-ce elle qui était tout à fait stupide?

« T'imagines-tu plus sage que moi? Tu m'agites tes sceaux sans valeur sous le nez en pensant que je tomberai dans le piège de la servitude? Plutôt mourir, femme. Ma liberté ne m'appartient plus et je ne me fais aucune illusion là-dessus. Peut-être ton maître arrive-t-il à TE berner en faisant preuve de fausses largesses envers toi, en te laissant aller faire sa basse besogne pour que tu te sentes plus importante. Qu'est-ce que tu as fait pour ça, hein? Tu le visites durant la nuit, j'imagine, catin? »

Il la regarda de haut en bas, ses lèvres minces en une ligne dure.

Le marchand soupira d'aise.
Enfin un notable avait encheri.
Il avait donné sans discuté le prix annoncé.
Ramassant les tuniques des deux esclaves, il les leur fourra dans les bras et poussa les jeunes femmes vers leur nouveau maitre.

"Tu fais là une excellente affaire, Citoyen. Je te félicite"

Puis, se désinteressant du reste, il s'eloigna pour compter ses gains.

Yelena s'apprêtait à franchir la porte lorsqu'elle se rappela la promesse faite à une jeune femme près de l'estrade. Avec cette vente, elle avait eu l'esprit ailleurs... Elle se retourna et, tentant de résister aux marées humaines, promena le regard dans la salle. Soudain elle la repéra, dans un coin sans doute à l'attendre, accompagnée d'un vigoureux esclave. Ainsi elle aussi avait conclu sa vente... Yelena capta le regard d'Anthéa, et lui fit signe de la rejoindre à l'extérieur.

Le marché aux esclaves n'était pas vraiment le lieu approprié ni pour faire connaissance, ni pour parler de quoi que ce soit. D'ailleurs des dizaines d'hommes émoustillés criaient un peu partout. La jeune prêtresse expliqua avec un sourire à Astreia:

"Je dois parler à quelqu'un; nous ferons plus connaissance après..."

L'endroit le plus proche, mais cependant un peu éloigné de ce marché de malheur, semblait être l'Agora. Certes il y aurait un peu de monde, mais la fontaine à cette heure-ci devait être sauvée du flux par le marché et la vente.

[La Fontaine aux Lions]

Les paroles d'Atreides la blessèrent, assez pour qu'elle ne cherche pas à riposter. D'autant plus qu'il avait raison. Elle avait été fille de joie et continuait à se comporter de cette manière avec Nicias.

Anthéa regarda le jeune homme sans rien dire. Elle croyait revoir Anélia avec qui elle s'était disputé avant qu'elle ne meurt. Ensuite il y avait eu Iry-Hor avec qui elle s'était bien entendu mais il n'était plus à la maison et avait du se débrouiller seule pendant un mois. Mais apparemment même avec un nouvel esclave à la maison, sa vie ne serait pas simplifiée et l'ambiance ne serait pas meilleure bien au contraire. Pourquoi devait-elle toujours se battre.. quand ce n'était pas pour rester digne face à son maître, elle devait le rester aussi face aux autres esclaves. Elle commençait à être épuisée de cette lutte continuelle.

"Tu te trompes de personne, ne déverse pas ta rancoeur sur moi, je ne suis pas responsable de ta condition comme de la mienne." dit-elle doucement avant de soupirer.

Elle intercepta le regard de la prétresse et comprit qu'elle l'attendait dehors. Elle se retourna vers Atreides et lui dit avant de sortir.

"Je ne te retiens pas prisonnier, libre à toi de t'enfuir si tu le désires, même si j'en paierai les conséquences, je ne ne peux pas t'en empêcher même si je le voulais."

Elle fit demi-tour et sortit du marché.

[La Fontaine aux Lions]

Étrangement, Atreides ne retira aucune satisfaction de voir qu'il avait réussi à toucher l'esclave. Un goût amer dans la bouche fut tout ce qu'il en récolta. Il en vint presque à regretter ses paroles, mais son orgueuil ne le lui permit pas. Il était aussi fier qu'entêté et se sentir coupable aurait été mettre un deuxième genou en terre. Esclave il l'était, sans honneur, pas encore.

* Tes paroles relevaient-elles vraiment de l'honneur ? *, lui glissa une voix à l'intérieur de lui.

Il se mordit la lèvre et décida de se taire. Il ne pouvait recommencer ce qui avait été fait, mais il lui restait le pouvoir de ne pas empirer la situation. Son côté pratique lui rappela qu'il devrait travailler avec l'esclave et qu'il était donc préférable de ne pas la mettre en rogne dès le départ. Ainsi, lorsqu'elle l'incita presque à partir, il n'y accora pas un instant de réflexion. La fuite n'était pas le meilleur moyen de se racheter auprès d'elle.

Avant d'emboîter le pas de la femme rousse, le jeune homme chercha du regard la petite Miclès. Il ne savait trop pourquoi il lui attachait une importance quelconque, lui qui avait toujours écarté ses sentiments d'un revers de main, jugeant ses grandes aspirations plus importantes que tout autre chose. Il se sentait curieusement lié à elle, elle avec qui il avait partagé un si bref instant de répit.

Atreides l'aperçut près d'un homme qui ne lui inspira pas confiance au premier coup d'oeil. Une main glacée s'empara de son coeur. Son regard caressa le corps de la jeune fille, si gracile et si fin, puis s'attarda sur ses grands yeux sombres, espérant qu'ils rencontrent les siens. Miclès semblait si frêle, si perdue... et ce nouveau maître n'améliorerait certainement pas sa condition. Atreides regretta de ne pouvoir prendre sa place dans le but de la mettre à l'abri, de la voir partir loin de toutes ces horreurs.

Il secoua légèrement la tête pour chasser ces pensées. Il n'avait jamais été du genre à s'attendrir ainsi. Il devrait plutôt s'endurcir s'il voulait survivre. Serrant les dents, il partit à la suite de son acheteuse, non sans avoir soufflé à l'intention de la jeune esclave:

« Que les dieux te gardent, Miclès. »

[Fontaine aux lions]

Lysias avait haussé les épaules lorsque le marchand lui avait dit qu'il avait fait une bonne affaire. Comme si on pouvait faire une bonne affaire en achetant des esclaves.
Des individus inefficaces, geignards, et que l'on devait en plus nourrir et loger. Une bonne affaire ! quelle idiotie...

Il regarda les deux femmes en ce demandant franchement ce qu'il allait pouvoir en faire. Il fallait qu'il trouve quelque chose pour l'une des deux... La louer sans doute.

Lorsqu'elles furent devant lui, il leur jeta un vague coup d'œil, qui lui permit de constater que leur tunique serait bien suffisante pour tenir les 10 prochaines années. Pas besoin de faire des frais de ce côté.

"Bien. A partir de maintenant, si vous vous perdez, vous direz que vous appartenez à Lysias, par delà l'ancien lavoir.
Mais essayez de retenir le chemin une bonne fois pour toutes. Allez."

Sur ce, il se mit en route, il fallait qu'il fasse au plus vite la cérémonie d'accueil de l'esclave dans le foyer.

[Villa de Lysias]

Miclès dévisagea l'homme avec prudence et respect.Il était si étrange....Tout en lui semblait glacé, dur, poignant, à commencer par son regard.Miclès sut qu'elle aurait du mal à la soutenir.Elle devrait donc bien se conduire et se tenir, et surtout, elle tenterait de ne jamais parler.Elle fixa l'homme encore une fois avec attention, il dégageait quelque de si grand qu'elle ne pouvait en détacher son regard, son apparence elle-même était surprenante, ses chveux gris alors qu'il semblait si jeune.Était-il grec lui ? Il semblait que Kalymnos accueillait un grand nombre d'étranger, et eux ils avaient la liberté alors qu'elle, grecque ne la possédait pas.Ou se trouvait la justice ? Nulle part tout simplement, voilà bien longtemps que Miclès avait perdu foi en la justice et en l'égalité des droits.Elle n'était plus une enfant, elle avait ouvert les yeux, ne voulait plus se méprendre.

Elle jeta un regard triste à Calanda lorsque l'homme leur parla de l'itinéraire à suivre.Pourquoi tenait-il tant de propos acerbes et pourquoi tenait-il à trancher leur volonté par ses paroles tranchantes.Miclès soupira, la vie allait être rude.Mais comme elle n'était pas éternelle et que sa flamme semblait si faible qu'une légère brise pourrait l'éteindre, elle se dit qu'elle n'aurait pas si longtemps que ça à tenir.Mais elle ferait son possible pour que l'homme n'ait pas à acheter un nouvel esclave qui lui succéderait, elle tenait à préserver son prochain.

Elle regarda l'homme s'éloigner à grands pas et jugea bon de se mettre en route à cet instant, alors qu'il était à une vingtaine de pas d'elle, elle ne voulait pas être trop proche de lui, mais à une distance tout de même assez raisonnable pour pouvoir lui être utile.

[ Villa de Lysias ]